Je est un rôle

 

/spe.si.men/ Laura Caenen, chercheuse d’émotions

Coeur historique de Liège. Nous retrouvons Laura devant le magasin « L’autre monde » avant de nous rendre dans « l’Impasse de l’Ange » pour la traditionnelle séance photos. Elle lance d’emblée l’interview.

« J’ai été membre d’une secte rebelle dans un univers futuriste, la fiancée de l’héritier du trône, une taverniste blasée, une personne de l’extrême droite pendant la deuxième guerre mondiale, une jeune fille vendue dans un bordel, une berlinoise qui s’apprêtait à passer le mur dans les années 80… C’est comme si j’avais été l’héroïne de tous ces bouquins. »

Laura est adepte du jeu de rôle grandeur nature et des « GN », elle en a fait un paquet, « entre 60 et 70. » Le principe ? Des adultes qui s’amusent à rejouer aux cow-boys et aux indiens et qui créent une histoire ensemble… Lancé dans un monde spécifique régi par des règles plus ou moins étendues selon les organisateurs, chaque joueur devient « le héros de sa propre histoire », part en quête d’aventures ou de lui-même.

« C’est mieux qu’un parc d’attraction ou qu’un marathon de films ! Tu rencontres des tas de gens cools, tu sors de ta zone de confort et tu peux te laisser aller à vivre des émotions. Je pense qu’on ne laisse pas assez de place à l’émotion dans la vie de tous les jours. »

‒ Que veux-tu dire ?

‒ On vit dans un monde où les choses sont très lisses, par exemple sur les réseaux sociaux, mais c’est aussi le cas au travail. Combien de fois on ne m’a pas dit : « Laura, tu es trop dans l’émotionnel. » Ben oui, et alors ? C’est normal de s’offusquer, de s’indigner… Tout le monde réprime beaucoup de choses.

‒ Ce n’est pas le cas en GN ?

‒ Non et honnêtement, je déconnecte bien plus en faisant trois jours de GN qu’en partant 15 jours à la plage. C’est une usine à émotions fortes et tu ne penses plus qu’aux préoccupations de ton personnage…

« Personnage », tout simplement le fondement de l’expérience GN. « Je vais avoir l’air schizo mais certains m’ont tellement marqué qu’ils font un peu partie de moi. Ils m’ont appris quelque chose ou m’ont permis de me reconnecter avec certaines émotions, des traits de personnalités que j’avais un peu oubliés… »

À côté de cela, Laura nous parle de rôles plus complexes à jouer comme celui d’une femme accusée d’avoir protégé son fils collaborateur dans un GN inspiré du roman « le chagrin des Belges ». « Je trouve passionnant d’essayer de me mettre dans la peau de quelqu’un qui n’a pas le beau rôle. Pour être crédible, j’essaie de trouver des justifications pour mon personnage, ce qu’il a pensé pour agir de la sorte… C’est mettre du gris là où on ne voit que du noir habituellement. Ça m’incite à me questionner sur notre société actuelle. Peut-être que dans 30 ans, mes enfants me demanderont : « pourquoi n’as-tu pas hébergé un migrant ? Pourquoi tu n’as pas agi, pourquoi tu n’as pas été manifester dans la rue ? » Ces GN t’ouvrent vraiment l’esprit à autre chose. »

 

 

 



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