Le plus heureux des hommes

 

/spe.si.men/ Arnaud Rasschaert, agriculteur à ses heures

À l’origine, un premier rendez-vous manqué. La cause ? Des vaches fugueuses qui le contraignent à « faire des heures » comme on dit. Jusque tard dans la nuit, il recherchera les fugitives à la lampe de poche dans les bois.

Deux semaines plus tard, nous le retrouvons dans une ferme près de Natoye, chez l’un de ses «clients». Arnaud Rasschaert est en effet agent au Service de remplacement agricole. Depuis 5 ans, il va de ferme en ferme apporter de l’huile de coude, de la sueur et des heures à revendre. « On sait quand la journée commence mais on ne sait jamais à quelle heure elle se termine… »

Arnaud nous emmène dans une étable remplies de jeunes veaux qui saluent notre arrivée en beuglant bruyamment. Les bêtes finissent par se calmer lorsque le fermier local remplit leurs mangeoires. C’est là qu’Arnaud se remémore ses premiers pas dans ce monde qu’il adore par-dessus tout. « A l’âge de 8 ans, j’accompagnais mon frère qui travaillait dans les exploitations voisines. En 2001, il est décédé suite à un accident. J’ai continué à aller chez des agriculteurs et, aujourd’hui, cela fait 18 ans que je suis dans ce milieu. »

Après une brève expérience dans un garage agricole, Arnaud intègre le Service de remplacement et un statut qui lui convient finalement très bien. « Je fais le même boulot qu’un agriculteur mais sans les contraintes. Je ne suis pas fils de ferme. J’ai toujours rêvé d’avoir mon exploitation à moi mais ce n’est pas possible car je n’ai pas la trésorerie nécessaire. »

Faire la traite, nourrir et soigner les bêtes, travailler dans les campagnes. Aucun jour ne se ressemble pour Arnaud qui doit aussi jongler avec les différents « clients » qu’il convient d’apprivoiser – « aucun agriculteur n’a la même façon de travailler », insiste-t-il.

Loin de la routine, au milieu de la nature et des animaux, il se dit le plus heureux des hommes. Mais le milieu agricole est pourtant loin d’être idyllique. « Certains fermiers ne peuvent plus s’en sortir tout seuls. J’en vois beaucoup qui ont dur le matin, qui en ont marre. Ils se demandent s’ils doivent continuer ou arrêter, investir ou pas. » Face à l’exigence de rentabilité, les exploitations deviennent de plus en plus grandes et les fermiers, sous pression, doivent réaliser d’importants investissements technologiques pour survivre et rester compétitifs. Désormais, des machines s’occupent de la traite et les vaches sont croisées génétiquement pour obtenir des individus aux pattes moins fragiles, plus charnues et donc qui rapportent plus. Le bonheur dans le pré semble loin, très loin, sans parler des dénigrements du grand-public à propos de la viande ou du lait que déplore Arnaud. « C’est ce qui fait vivre un pays. Imaginez qu’il n’y ait plus d’agriculture… Qu’est-ce que les gens vont manger ? Comment vont faire les futures générations ? »

 

 



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