La vraie vie est ailleurs

 

/spe.si.men/ Cécile de Gernier, joueuse sensationnelle

À l’Académie Robert-Louis Dreyfus, juste à côté des espoirs qui s’entrainent bruyamment, je suis en passe de réaliser un rêve d’enfant. Jouer au journaliste sportif. Du moins, le temps d’une rencontre avec Cécile, footballeuse au Standard depuis 10 saisons.

Sans surprises, mes premières questions se concentrent sur sa carrière, du White-Star au Standard, ses 8 trophées, l’équipe nationale… Un parcours classique jusqu’au moment où Cécile décide de tout plaquer. « Je n’en pouvais plus. Le problème du foot féminin, c’est qu’on te demande de travailler à côté. Et quand tu fais presque 200 kilomètres chaque soir pour aller t’entraîner et que tu dois faire des efforts en plus pour progresser en équipe nationale… Tu as juste envie de dire : ‘hé les gars, j’ai une vie, moi !’ J’ai un peu lâché comme ça… »

Une année plus tard, elle revient à sa passion, terriblement en manque de sensations. « Tu ne les retrouves pas ailleurs : quand tu joues bien, quand l’action est belle, quand tu marques, quand on gagne… » Autre raison, le plaisir de retrouver la « pureté » de son sport, encore préservé des dérives du foot business.

Cécile souhaiterait toutefois que les gens puissent regarder le foot féminin au même titre que le foot masculin, « pour le plaisir et le beau jeu. Il faut accepter que ça aille un peu moins vite mais c’est beaucoup plus correct, il y a moins de simulations, mois de fautes agressives… et puis, quand tu assistes aux matchs, tu reviens tellement l’ambiance est chouette et pour la rage que les filles montrent sur le terrain. »

Une rage qui ne semble ne pas aller de soi pour tout le monde. « Pour beaucoup, ce n’est pas un sport de fille… Moi, j’aimerais que la fille qui joue au foot puisse aussi faire de la danse classique à côté. »

– Et il y a l’étiquette « garçon manqué » qu’on leur colle à la peau.

– Bien sûr, même si pour moi c’était un peu vrai et ça ne m’a pas pourri la vie. A côté de cela, j’ai plein de potes qui jouent au foot et ce sont des filles jusqu’au bout des ongles. Le stéréotype commence un peu à se déconstruire…

– C’est grâce aux médias ?

– Un peu mais je pense qu’ils ne jouent pas assez leur rôle. Quand je suis arrivée à la RTBF comme chroniqueuse, c’était pour faire connaître le foot féminin. Ça n’a malheureusement pas eu l’impact espéré. Ça m’a fait connaître moi, un peu le standard femina, un peu les Red Flammes mais il n’y a pas eu plus de gens dans les tribunes pour autant. J’aurais bien aimé pouvoir dire « putain, les gars, on joue Anderlecht samedi, venez nous voir ! » Mais on ne m’a jamais laissé l’opportunité de le faire.

Le quotidien de Cécile se joue aussi sur un autre terrain. Celui où elle endosse le maillot d’assistante sociale, un métier qui lui permet d’être « en contact avec les gens, essayer de les aider, leur parler, les écouter… ce n’est pas présent dans le foot. »

– Pas du tout ?

– Non, on s’en fout de ça. Tu joues si t’es le meilleur pas parce que toi tu en as besoin… Mais les deux dimensions ont toujours été complémentaires pour moi. Quand je rentre sur un terrain de foot, plus rien n’existe. Ce n’est pas le cas quand tu vas dans le social. Parfois, tu rentres chez toi après un truc et tu te dis « est-ce que j’ai merdé, est-ce que je n’ai pas merdé ? » Tu as un impact sur la vie des gens.

– Ça permet de relativiser…

– Complètement. Lorsque je travaillais à la fédération, je pensais au foot tout le temps. À un moment, tu te rends compte que ce n’est plus possible, tu passes à côté de la vraie vie.

 



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